MUSIQUES TCHEQUES
« La vie des Tchèques est dans la musique »
Bedrich Smetana
Un musée pour Mozart, un pour Smetana, un pour Dvorak, trois scènes lyriques, le Clementinum… : On ne peut pas venir à Prague sans aller à la rencontre de ses musiciens.
C’est par la musique que nous aurions le mieux été introduits dans ce voyage vers Prague. En écoutant plus précisément l’ouverture de Don Giovanni, composée dans la capitale tchèque par Mozart.
Mozart et Prague s ‘étaient enamourés l’un de l’autre, lors de la présentation des « Noces de Figaro » aux pragois. Du délire, paraissait-il. Il s’était installé dans la jolie Villa Betramka, que j’aurais voulu te montrer, située aujourd’hui dans un secteur un peu triste de Prague. C’est là qu’il aurait composé son Don Giovanni et la Clémence de Titus.
Mozart en gage d’amour avait dédié aux tchèques une Symphonie. Les Praguois avaient, en juste retour, été les seuls à prendre le deuil du compositeur et à se rassembler à plus de quatre mille autour de saint Nicolas, aux pieds du Château, pour écouter son amie la cantatrice Joséphine Dussek lui offrir un Requiem, non, pas encore celui qu’il n’avait pu achever, mais un requiem quand même.
Nous aurions fait ce pèlerinage de la villa Betramka à l’église baroque Saint Nicolas, puis effectué un changement de paroisse, à la vieille brasserie « Au St Thomas ».
Nous serions passés sur le Pont Charles, où nous n’aurions pas pu éviter, après un salut à St Jean Népomucène (martyr de la contre-réforme, jeté d’un pont), le musée Smetana, dédié au père de la musique nationale.
Nous retournant vers le vieux pont de pierre majestueux, je n’aurais pas résisté à te parler de cette jolie nouvelle de Leo Perutz qui se nomme « La nuit sous le pont de pierre ». L’histoire d’un rêve d’amour partagé à distance, à Prague, entre la belle Esther, épouse de Mordechai Meisl, et l’Empereur… La fleur bleue du romarin - le roi - et la rose rouge – Esther - se retrouvant sous le pont de pierre.
…Les ondes du fleuve passaient en un murmure. Il y eut un souffle de vent, et le romarin et la rose se retrouvèrent dans un baiser.
Nous aussi.
Plus tard, flânant le long de la Vltava sur le quai Mazaryk, dont les façades étaient éclairées par le soleil de la fin d’après-midi, nous aurions dirigé nos pas vers le Théâtre national.
Nous aurions réservé via une agence spécialisée, deux places pour voir « La Petite Renarde rusée » (Liska Bystrouska) de Leos Janacek. Tu aurais été sous le charme de cette intrigue soutenue par une musique charmante et expressive, qui en renforce l’atmosphère poétique.
L’opéra raconte l’histoire d’une renarde capturée par un garde-chasse, qui arrive à s’échapper, à convoler et à aimer, mais est abattue par le marchand de volailles. C’est l’œuvre juvénile d’un musicien de septante ans, qui était tant satisfait du final qu’il souhaita le voir joué à son enterrement :
Et quand, au mot « laska » (amour) s’éleva en une large courbe cette mélodie si simple, si chaleureuse et expressive, chacun sentit involontairement que, en vérité, pendant cette musique, « les hommes marcheront la tête inclinée et comprendront qu’une félicité qui n’est pas de terre est passée par là » 5
J’aurais voulu te faire partager, enfin, ma chère petite renarde, le grand bonheur que j’avais éprouvé, malheureusement seul alors, en voyant l’œuvre mise en scène au Coliseum de Londres.
Le lendemain, après avoir marché sur les traces de Kafka, visité le quartier juif, ses synagogues et son saisissant cimetière aux pierres tombales entassées, nous serions allés au couvent Sainte Agnès écouter le nouveau quatuor Talich jouer le premier quatuor de Smetana, et l’une des œuvres pour cordes que je préfère : le quatuor « Lettres intimes » de Janacek.
Pourquoi celui-là plutôt que le premier ? À la différence de la « sonate à Kreutzer » contemporain de la « Petite Renarde », mais volontiers tragique, j’y aurais trouvé de la jubilation, l’expression d’une nouvelle jeunesse chez un homme âgé de 74 ans, touché par un amour tardif.
Pris par l’émotion suscitée de ces notes, nous n’aurions su que dire à la sortie du concert :
Se i labbri nostri tacquero, Dagli occhi il cor parlò.
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