vendredi 25 juillet 2008

Livre Premier : Au mosilée de Gül Baba

AU MAUSOLEE DE GÜL-BABA


Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth Mêlant ma voix à tes cent mille voix, Ô Harmonika-Zug
Valery Larbaud
– Ode

Nous aurions refait ce chemin ferroviaire emprunté par Larbaud vers Budapest. Tu te souvenais, comme Tabucchi, de chaque mot de son Ode magnifique. C’est d’ailleurs toi qui me l’avais révélée. Les temps étaient moins poétiques, et de Munich, où tu voulais t’entretenir avec la Judith de Caravage, le Magicien d’Albert Dürer ou la Madeleine de Rubens, je ne sais plus exactement, nous nous serions contentés d’un T2 dans un train « Euro-night », en lieu et place de l’Harmonika Zug.

Il n’y aurait pas eu de cantatrice aux yeux violets dans la cabine d’à côté pour nous réveiller à huit heures. D’ailleurs, nous n’aurions pas eu besoin d’elle ni de son sulfureux soupir sensuel pour être en mesure d’admirer, vers six heures du matin, la forêt viennoise, puis, pendant près de trois heures les rives du Danube, vers notre destination finale.

À vrai dire, nous serions restés quasiment éveillés toute la nuit, tant nous aurions eu de choses à découvrir à deux dans notre T2 ! La douceur de vivre dans une cabine de l’Euro-night…

Arrivés à Budapest à neuf heures du matin, nous serions arrivés d’un trait de tramway à l’Hôtel Papillon, près du vieux Buda.

L’endroit était plaisant et à une encablure de la vieille ville. Nous aurions entrepris sa découverte après une petite sieste, et un brunch à l’Institut Français, d’où nous aurions admiré le Parlement, en découvrant les nouvelles du « Monde ».

Après avoir jeté un œil à l’exposition du moment, nous nous serions précipités au premier étage vers la librairie.

Nous aurions pris de la hauteur en prenant le téléphérique qui part du pont des chaînes. Vues sur le Danube et Pest. Le Château, à notre gauche, la vieille ville à notre droite.

Nous aurions décidé de porter nos pas vers le château pour visiter la galerie nationale. Un arrêt à la fontaine Matyas, qui met en scène le roi Matyas Corvin et la belle Ilonka.

Dans la Galerie nationale hongroise, nous aurions longuement admiré les salles consacrées aux arts gothiques, et aussi celles qui sont consacrées à la peinture hongroise. J’aurais aimé plus particulièrement les taches rouges, roses et blanches sur fond vert du « Pique-nique en mai » de Sinyei Merse, et toi les couleurs et la composition du « Peintre » de Karoly Ferenczy, a moins que ce ne soit l’inverse.

À la sortie du musée, nous serions allés enfin vers la vieille ville, en commençant par une halte à la pâtisserie Ruszwurm : une pâtisserie bien méritée, dans une atmosphère chaleureuse, avec ce que l’ex-empire austro-hongrois a produit de plus goûteux.

Nous nous serions longuement promenés dans la maison du Vin Hongrois. Nous aurions eu peine à imaginer avant de pénétrer dans ce temple la diversité et la richesse du vignoble hongrois sans ce passage obligé dans le temple du vin. La découverte des saveurs suaves du Tokaj Fürmint ou robustes de l’Egri Bikaver nous aurait convaincus de la qualité exceptionnelle de certaines productions locales. Nous aurions pris tout le temps nécessaire pour goûter ces vins des plus subtils aux plus puissants.

Pour nous dégriser, enfin, comme j’en rêvais déjà le jour où j’avais découvert le lieu, car mon cerveau était déjà occupé de ta présence, je t’aurais emmenée à un jet de pierre de l’hôtel, juste avant la tombée de la nuit, dans l’un des endroits les plus paisibles de Budapest. Le Mausolée de Gül Baba, le « père des roses », sensé avoir amené de Turquie des variétés de roses que l’on admire aujourd’hui autour de l’édifice. C’est l’un des rares vestiges visibles de la présence ottomane à Budapest, avec les Bains et un mirhab à peine caché dans une église de Pest.

…La splendeur orientale. Tout y parlerait à l’âme en secret Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.


De là, on aurait pu observer les deux rives du Danube.

En contrebas, les bains Lukacs, anciens bains ottomans, décorés à l’époque baroque et dédiés à Saint Luc, où nous aurions prévu de nous baigner et délasser.

Plus loin, sur la même rive, les plus anciens bains de Budapest, les Bains Kiraly, de forme octogonale, où, malheureusement, nous n’aurions pu aller que séparés.
Au sud, la vieille ville de Buda et le Château.

Sur l’autre rive, nous aurions pu distinguer, après l’île Marguerite, le Parlement.

Et, entre les deux rives, la succession des ponts, dont le majestueux pont des Chaînes, gardé par ses lions débonnaires.

Nous aurions alors sorti de nos sacs les quelques ouvrages plaisants achetés à l’Institut Français, que nous aurions pu lire jusqu’à ce que la nuit s’installe complètement, dos contre dos, dans le jardin du Mausolée, après avoir enregistré et aimé ces paysages.

Oui, c’est dans cette atmosphère qu’il ferait bon lire, - là-bas où les heures plus lentes connaissent plus de pensées…
….

Dis-moi, est-ce que ce serait comme ça, si c’était ?
Or che mi conoscete, Parlate voi, deh !parlate …

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