LES MYTHOLOGISTES racontent que
Minerve, Diane et Proserpine, ayant résolu
d'un commun accord de garder leur virginité,
furent élevées dans ces prairies où
elles s'entretenaient ensemble.
Ils ajoutent qu'elles travaillèrent de leurs
mains un voile de fleurs dont elles firent
présentà Jupiter, que l'amitié qu'elles
se portaient leur fit trouver le séjour de cette île
si agréable,qu'elles choisirent chacune
un endroit pour y habiter...
Ces auteurs disent encore
que Minerve et Proserpine donnèrent à
Diane en particulier l'île de Syracuse
que les oracles et les hommes ont nommée
Ortygie du nom de cette déesse et que les
Nymphes firent aussitôt paraître dans cette
île en faveur de Diane une fontaine appelée Aréthuse.
Diodore de Sicile (traduction Terrasson)
Minerve, Diane et Proserpine, ayant résolu
d'un commun accord de garder leur virginité,
furent élevées dans ces prairies où
elles s'entretenaient ensemble.
Ils ajoutent qu'elles travaillèrent de leurs
mains un voile de fleurs dont elles firent
présentà Jupiter, que l'amitié qu'elles
se portaient leur fit trouver le séjour de cette île
si agréable,qu'elles choisirent chacune
un endroit pour y habiter...
Ces auteurs disent encore
que Minerve et Proserpine donnèrent à
Diane en particulier l'île de Syracuse
que les oracles et les hommes ont nommée
Ortygie du nom de cette déesse et que les
Nymphes firent aussitôt paraître dans cette
île en faveur de Diane une fontaine appelée Aréthuse.
Diodore de Sicile (traduction Terrasson)
Zénon : Chère princesse, permets-moi de te mener, ce jour, en Ortygie, l'île aux cailles. Non pas l'île où naquirent de Leto Apollon et Artemis, qui désormais se nomme Délos, mais celle où d'intrépides navigateurs Corinthiens vinrent établir un port bien abrité pour protéger leur flotte, à la pointe sud-est de la Sicile.
Ariane : Tu me parles de l'île qui fait face à Syracuse?
Zénon : Celle-là même.
Ariane : Pourquoi donc ces Corinthiens la nommèrent-elles aussi Ortygie? Les cailles y foisonnaient-elles?
Zénon : Cela pourrait être une explication : l'île est sur le passage d'importantes migrations aviaires. Mais il y a d'autres explications plausibles . On y vénéra aussi Apollon et Artémis, dans deux temples à l'une et l'autre des extrémités de l'île. Si l'un est encore visible, l'autre a disparu, ses pierres ayant sans doute servi de matériau pour d'autres édifices. Pourtant, l'influence de la belle Artémis est bien plus forte que ses murs.
Ariane : Pourquoi donc?
Zénon : Tu le sais, elle « a sa place en bordure de mer, dans les zones côtières où entre terre et eau les limites sont indécises » (écrivait Jean-Pierre Vernant). Elle est aussi à la tête d'une troupe de nymphes (20 nymphes du mont Amnisos, dit-on) et de jeunes mortelles, qu'elle mène à travers les forêts. Artémis est une déesse « vierge », parthenos, la vierge qui s'occupe du feu, ou, comme le raconte Plutarque, celle qui s’abstient de tout commerce sexuel avec des hommes. Elle punit sévèrement les hommes qui tentent de la séduire : retiens cela pour ce qui va suivre. Quand Actéon la surprend par hasard dans son bain, elle le métamorphose en cerf et le fait déchirer par ses propres chiens.
Elle surveille également la chasteté de ses compagnes : elle décoche une flèche à Callisto, pour avoir eu des rapports sexuels avec Zeus. On soulignera que Zeus parvint à ses fins auprès de Callisto parce qu'il avait pris l'apparence d'Artémis, ce qui révèle l'ambiguïté de la relation qui unissait Artémis et Callisto.
Or, s'il est une tradition vivace sur ce lambeau de terre, c'est l'hommage à la chasteté des femmes. Suis-moi dans les ruelles de cette ville, qui, malgré les tremblements de terre, a su garder, cachées sous les somptueux palais et églises du XVe au XVIIIème siècle, les traces de cette tradition. Guidons nos pas après le port vers la fontaine Aréthuse. Sous les papyrus, s'ébattent, dans l'eau douce, à quelques mètres de la mer, des canards mandarins. Que vient faire cette source d'eau douce ici? Pourquoi lui a-t-on donné le nom d'une des nymphes qui suivaient Artémis?
Ovide, dans les Métamorphoses, lui prête ces mots:
Pars ego nympharum, quae sunt in Achaide...
"Je fus une des Nymphes de l'Achaïe. Nulle ne fut plus habile à chasser dans les forêts, à tendre des filets. Quoique je n'eusse jamais ambitionné les éloges qu'on donne à la beauté, quoique la réputation de mon courage me suffit, on vantait cependant mes appas; mais mon innocence me faisait rougir de ces avantages, dont les Nymphes tirent vanité, et le don de plaire passait pour un crime à mes yeux. Un jour, je m'en souviens, je revenais de la forêt de Stymphale, accablée du poids des chaleurs, que rendaient plus pesant les travaux pénibles de la chasse; je trouve un ruisseau dont l'onde, qui paraît immobile, erre lentement sans murmure, et permettait à l'œil de compter les cailloux que couvre son limpide cristal. Son cours est presque insensible; et de vieux saules, de hauts peupliers, qu'entretient sa fraîcheur, l'abritent de leur ombre. Je m'approche de ses bords. Je mets un pied dans l'onde; j'y descends ensuite jusqu'aux genoux. Je détache enfin mes vêtements légers; je les suspends sur un saule courbé, et je me plonge dans les flots. Mais tandis que de mes mains je frappe l'onde, et l'agite, et la divise dans mes jeux, je ne sais quel murmure semble sortir du fond des eaux : je frémis, et, dans mon effroi, je m'élance sur le bord le plus prochain. "Où fuyez-vous, Aréthuse ? s'écrie Alphée, d'une voix sourde, du sein des flots : où fuyez-vous" ? répéta-t-il encore. Je m'échappe nue et craintive. J'avais laissé mes vêtements sur la rive opposée. Alphée me poursuit et s'enflamme; et l'état où il me voit semble lui promettre un triomphe facile. Cependant je hâte ma fuite; il précipite ses pas. Ainsi, d'une aile tremblante, la timide colombe fuit devant le vautour; ainsi le vautour effraie et poursuit la timide colombe. Je cours jusqu'aux murs d'Orchomène, au-delà de Psophis. Je traverse le mont Cyllène, le Ménale, le froid Érymanthe, et j'arrive dans l'Élide. Alphée dans sa course n'était pas plus rapide que moi; mais nos forces étaient trop inégales. Je ne pouvais soutenir longtemps mes efforts; il pouvait encore continuer les siens. Cependant je courais à travers les campagnes. J'avais franchi des montagnes ombragées de forêts, des ravins, des rochers, et des lieux qui n'offraient aucun chemin. Le soleil était derrière moi. Bientôt j'aperçois une ombre qui s'allonge et devance mes pas. J'aurais pu la croire une illusion née de mon effroi. Mais j'entendais sur l'arène ses pas retentissants. Déjà son haleine brûlante et pressée agitait mes cheveux. J'allais succomber à ma lassitude : "O toi, Artémis, m'écriai-je, entends mes vœux ! protège une de tes nymphes, s'il est vrai que souvent tu me donnas à porter ton arc et ton carquois !" La déesse entend ma prière, saisit une nue épaisse, et la jette autour de moi. Alphée me cherche en vain. Il ne me voit plus; il ignore où je suis. Deux fois il fait le tour du nuage qui me dérobe à ses regards. Deux fois il s'écrie : "Aréthuse ! ô Aréthuse ! où êtes-vous ?" Quel fut alors mon effroi ! Telle est la brebis lorsqu'elle entend le loup frémir autour de son étable : tel le lièvre timide qui, caché dans un buisson, voit la meute ennemie, et n'ose faire aucun mouvement. Cependant Alphée persiste. Il n'aperçoit au-delà de la nue, au-delà de ce lieu, aucune trace de mes pas. Il ne s'éloigne ni de ce lieu, ni de la nue. Tout à coup une froide sueur se répand sur mes membres affaissés. L'onde coule de tout mon corps, elle naît partout sous mes pas. Mes cheveux se fondent en rosée, et je suis changée en fontaine, en moins de temps que je n'en mets à vous le raconter. Mais Alphée m'a bientôt reconnue dans cette onde qu'il aime encore. Il dépouille les traits mortels dont il s'était revêtu. Il redevient fleuve, et veut mêler ses flots avec les miens. Artémis ouvre la terre. Je poursuis secrètement mon cours dans ses antres obscurs, roulant vers l'Ortygie qui m'est chère, puisqu'elle porte le nom de la déesse qui vint à mon secours; et c'est dans cette île que je reparais au jour pour la première fois... »*
A Virgile les mots de la fin:
« Alpheum fama est huc, Elidis amnem, Occultas egisse vias subter mare qui nunc Ore, Arethusa, tuo siculis confunditur undis. » L' Eneide. l. III. v. 692.
« On dit que le fleuve Alphée, qui arrose les champs d'Elide, amoureux de vous, ô fontaine d'Aréthuse, se fraie une route secrete sous la mer, et se rend dans l'Ortygie pour y mêler ses eaux avec les vôtres. »
C'est ainsi qu'Alphée sut triompher, en ces lieux, de la chasteté d'Aréthuse.
Nos pas nous portent ensuite vers le Duomo, sur cette étonnante place en demi-cercle, d'une grande élégance, délimitée par des palais grandioses. La façade du Duomo est l'oeuvre d'un des architectes baroques de Sicile, Andrea Palma. Si tu contournes l'édifice à gauche de la façade, vers le Nord, tu verras distinctement les colonnes massives d'un ancien temple grec, mêlées aux murs de l'église : ce sont celles du temple d'Athéna...
A : ...Bien sûr : La déesse, protectrice des Artisans, des villes, et, surtout d'Ulysse, qui séjourna en mer ionienne, est aussi, comme Artémis, vierge, et tient beaucoup à sa virginité ; c'est pour ce fait qu'elle est surnommée Parthénos (jeune fille) d'où le nom du grand temple d'Athènes sur l'Acropole, le Parthénon.
Z : Le plus étrange, est que ce temple est désormais dédié à Sainte Lucie, vierge et martyre, martyre parce qu'ayant voulu protéger sa virginité, et de quelle manière!
La « Légende dorée » de Jaques de Voragine raconte en effet que, sous le règne du persécuteur Dioclétien, Lucie de Syracuse, jeune fille richement dotée, avait fait voeu de chasteté, en se rendant à Catane sur le tombreau de Sainte Agate, pour la guérison de sa mère. Ignorante de ce voeu, celle-ci l'avait cependant promise à un jeune homme. Pressée par son fiancé, Lucie se refusait obstinément. Le fiancé, menaçant d'aller en justice, elle arracha ses propres yeux et les lui envoya dans un coffret, mais la Vierge la para d'yeux plus beaux encore. C'est pour cela que Sainte Lucie est souvent représentée portant un plateau avec une paire d'yeux, comme Agathe tient, sur son plateau, une paire de seins.
L'histoire ne sarrête pas là, dénoncée au consul Pascasius, elle fait front, et, condamnée à être livrée à un lupanar, le Saint Esprit rend le corps de Lucie immobile et parfaitement intransportable.Pris de fureur, Pascasius fait alors verser sur elle de la poix, de la résine et de l'huile bouillantes, puis la fait entourer d'un bûcher auquel on met le feu. Mais elle continue à chanter dans le feu les louanges du Christ. On lui enfonce une épée dans la gorge, mais elle ne meurt toujours pas . Un prêtre vient lui porter la communion, après quoi seulement elle rend l'âme.
A : Mazette! Ce que cette légende nous apprend des violentes pulsions des hommes à l'égard des femmes est édifiant! On est bien loin de l'amour courtois! Il est au moins une fille de Syracuse qui a eu plus de chance : bien qu'elle soit restée de marbre, il s'est trouvé un écrivain pour sublimer ses pulsions par l'écriture, et nous donner d'elle un portait sensuel, certes, mais empreint d'une admiration respectueuse :
« C'est une Vénus charnelle, qu'on rêve couchée en la voyant debout...elle soulève une draperie dont elle couvre, avec un geste adorable, les charmes les plus mystérieux. Tout le corps est fait, conçu, penché pour ce mouvement, toutes les lignes s'y concentrent, toute la pensée y va. Ce geste simple et naturel, plein de pudeur,et d'impudicité, qui cache et montre, voile et révéle, attire et dérobe, semble définir toute l'attitude de la femme sur la terre... Les reins, surtout, sont inexprimablement animés et beaux. Elle déroule avec tout son charme, cette ligne onduleuse et grasse des dos féminins qui va de la nuque aux talons, et qui montre, dans le contour des épaules, dans la rondeur décroissante des cuisses et dans la légère courbe du mollet aminci jusqu'aux chevilles, toutes les modulations de la grâce humaine. »
Ainsi parle Maupassant de la Vénus Anadyomène, sises au musée archéologique de Syracuse, dans son ultime ouvrage : La vie errante.
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